Nous allons donc parler de l’utilité d’un regard relevant de l’antispécisme au regard de la transition
Récemment, je voyais une vidéo consacrée à des animaux handicapés – par accident ou de naissance – qui bénéficiaient de prothèses. Le réalisateur épousait un point de vue anti-spéciste. L’idée de l’antispécisme, c’est que tous les êtres vivants se valent et que l’humain n’a pas à statuer sur le droit de vie ou de mort des êtres vivants non humains. Ici, on ne parle plus d’ « espèces », donc.
Et je pensais que hormis dans les sanctuaires qui sont rares en nos contrées, tous les animaux qui nous entourent et ne vivent pas dans nos maisons, sont destinés à notre consommation. Même les chevaux qui, par des revers de fortune, peuvent brutalement tomber du statut de compagnon adulé à celui de steak.
Antispécisme et transition
C’est l’histoire de Kris P Bacon, ce cochon domestique qui jouit du privilège d’une prothèse pour son train arrière, et de Côtelette, cet agneau dont le destin est écrit.
Catherine Piette, la queen de la cuisine santé dont je te parle souvent est carnivore.
Elle défend les éleveurs locaux qui prennent soin de leurs bêtes, les nomment et leur parlent, et se situent, en effet, à des années lumière de l’enfer concentrationnaire infligé aux animaux qui sont élevés dans la filière industrielle.
Il reste que – sans aucune exception – qu’elles proviennent des petits élevages ou de la production de masse, toutes les vaches passent par l’abattoir. C’est une obligation légale. Après le scandale de l’encéphalite spongiforme – du reste, un pur produit de l’action humaine – l’AFSCA ne transige plus. Et là, tu n’as pas besoin que je te fasse un dessin : les vidéos prises en camera cachée dans les abattoirs valent un long discours.
Antispécisme et transition – les sentiments d’un éleveur
Il y a quelques années, Stéphanie, de la ferme du Martinet, me parlait de ce « trou noir » dans le parcours de ses vaches. Elle avait tant de craintes vis à vis de la façon dont elles passaient leurs derniers moments. Elle avait trouvé un petit abattoir à Strée dans le Hainaut. Les vaches entrent vivantes ; elles en sortent en paquets de steaks. La façon dont elles rendent leur dernier souffle, nul ne la connaît réellement.
Je pense aussi à ces deux étudiants en 5eme année de médecine vétérinaire qui m’ont expliqué en détails la façon dont les vaches sont tuées dans les abattoirs. Les vaches sont supposées recevoir un coup de pistolet qu’on leur place sur le front. Le pistolet décharge une tige de métal qui atteint le cerveau. C’est ainsi qu’on les « étourdit ».
Lors d’un stage d’étudiante, ma fille a assisté à ce type d’abattage sans juger que ça méritait d’être raconté.
L’ennui, c’est que l’abattage hallal est occupé à gagner du terrain.
Je ne te décrirai pas l’abattage hallal. Je veux juste préciser que les hommes qui abattent les animaux n’ont pas choisi cette activité. Ils le font parce qu’ils n’ont rien trouvé d’autre, comme des hommes sont éboueurs ou videurs de fosses septiques. Des activités abjectes dont personne ne veut et qui tombent sur de pauvres mecs qui, même sans ça, doivent déjà mener une vie de merde.
Antispécisme et transition : l’ambivalence des consommatrices
Ce n’est pas un métier de femme. Des hommes tuent les bêtes. Des femmes préparent des steaks. Entre les deux, une distance géographique et contextuelle assure la transition entre les univers opposés de l’abjection et de la jouissance – et évite à Madame de faire le lien entre la douce géante aux cils de biche et au toupet bouclé – morte dans une frayeur paroxystique – et le carré de steak qu’elle accommode à la sauce béarnaise.
Et puis, simplement, avant d’aller dans les abattoirs, les étudiants vétérinaires reçoivent 30 heures de cours visant à les mettre en condition. Ils sont également obligés de prêter serment : ils ne dévoileront pas ce qu’ils ont vu. Ils ne parleront pas des 12% de bêtes qui ne sont pas étourdies et qui assistent à leur propre démembrement.
Si ce n’est pas l’enfer…
Le zero waste, l’antispécisme et la transition
J’aime bien la vague Zero Waste. Précédemment, j’ai écrit un texte relatif à cette volonté que manifestent de plus en plus de gens – majoritairement des femmes – d’agir de façon responsable en évitant les déchets et le gaspillage.
Il est possible d’aller encore plus loin et d’inscrire ses choix dans une perspective systémique. On peut, en effet, penser à l’aval et à l’amont de notre acte de consommation, c’est à dire à l’histoire de notre achat, à ce qui préexiste à notre choix et à son incidence globale. Et donc, de ne pas seulement penser à la question de préférer la viande en vrac de chez le boucher au steak en barquette du super-marché pour éviter de générer des déchets. Il s’agit aussi de penser aux souffrances humaines et animales préalables et au fait qu’en consommant de la viande, nous sommes occupés à consentir à la destruction de la planète. A ce titre, l’antispécisme est un altruisme et, en tout cas, une voie décisive sur le chemin de la transition.
Au-delà de cet enfer que nos choix irraisonnés infligent à des être sensibles, il s’agit donc d’endosser la responsabilité de l’incidence globale du choix de manger de la viande, sur les éco-systèmes. Manger de la viande, en quantité industrielle, comme nous le faisons dans les pays industrialisés, s’avère la pire atteinte qui soit à l’éco-système Terre dans son ensemble.
Transition et économie de la fonctionnalité : pourquoi tout cela ?
L’économie de la fonctionnalité pose la question de la fonction de l’acte sur lequel on s’interroge. En l’occurrence, l’acte de manger de la viande.
Rationnellement, nous dirons que nous mangeons de la viande pour consommer des protéines. Mais on sait aujourd’hui qu’on peut totalement se passer de chair animale.
Devant le désastre qui résulte de la consommation massive de viande, l’économie de la fonctionnalité proposera des solutions équivalentes en termes d’apports et ne présentant pas les inconvénients dévastateurs de la consommation de viande : on peut substituer à la viande une combinaison de légumineuses accompagnée de fruits oléagineux et d’une complémentation en vitamines B12. On fera alors des repas exotiques, créatifs, princiers et équilibrés.
Cette solution frustrera de nombreux consommateurs, on le sait.
En effet, aujourd’hui, des esprits ingénieux pondent des idées à la pelle pour endiguer le massacre. Telle cette invention qui consiste à développer de la viande en culture.
Quand la proposition a été présentée sur le web, de nombreuses personnes ont exprimé du dégoût : l’idée d’une viande cultivée en laboratoire à partir de tissus natifs est dégoûtante, insupportable. On n’éprouverait pas le même plaisir. Ce qu’on veut, c’est un bon gros steak sanguinolent traditionnel, de cheval de préférence.
Ce n’est pas que la consommation de viande obtenue à partir d’animaux soit plus jouissive : c’est plutôt qu’on ne veut pas déroger aux habitudes. Or, ces dernières reposent sur l’occultation du sacrifice. L’ensemble du système est organisé pour occulter le fait que de la maltraitance, des peurs et des souffrances infinies préludent à notre jouissance.
Certains, comme la philosophe Florence Burgat, estiment que mise à mort des animaux n’est pas un dégât collatéral de notre carnivorisme, mais sa visée même, une façon qu’auraient les humains d’affirmer leur supériorité métaphysique, alors même que l’éthologie montre que les animaux sont conscients et sensibles, veulent vivre, peuvent être heureux et apprécient de l’être. Il suffit de regarder les yeux d’un cochon en route vers l’abattoir pour saisir l’effroi qui l’habite. Dans quel état émotionnel seriez-vous si c’était vous que l’on conduisait à l’abattoir ?
Comment réduire votre consommation de viande
Si vous envisagez de le faire, la question est moins de trouver des recettes – le web foisonne de ressources en la matière – que d’opérer effectivement la bascule vers la vie avec moins, voire sans viande et, donc, de changer d’habitudes.
Ce qui coute, c’est de changer d’habitudes. Les habitudes ont la vie dure parce qu’elles sont des réflexes. Et, en matière de goût, elles sont d’autant plus prégnantes qu’elles ont été acquises dans l’enfance.
Les mères sont de puissants vecteurs de changement
C’est dire la responsabilité des mères comme vecteurs de changement culturel : ce sont, en effet, majoritairement les mères qui façonnent le goût et les habitudes alimentaires. Ce serait bien qu’elles s’en rendent compte de plus en plus massivement pour instiller aux générations futures le goût de la frugalité, autrement dit, le plaisir d’une consommation raisonnée des fruits de la terre et qui épargne les enfants de la terre.
Dans « Nourrir l’Europe en Temps de Crise », Pablo Servigne indique que la révolution alimentaire se déroulera dans les maisons et les cuisines, plutôt que dans les champs. Et il a raison : il est important que les femmes valident leur rôle dans la perpétuation d’une économie qu’elles contestent et que, de par leur position stratégique, elles ont la capacité d’ébranler.
Transiter vers le veganisme : l’intelligence, la vraie ressource
Certains d’entre nous ont baigné toute leur existence dans les effluves saumâtres de la culture de masse, un discours qui adresse nos pulsions les plus basiques.
Que l’on se situe dans le monde du développement personnel, de la réduction des assuétudes ou de l’action citoyenne, les acteurs du changement préconisent tous le même outil : la pleine conscience, c’est à dire la présence à l’instant, et la capacité qu’elle donne d’évaluer nos décisions.
La pleine conscience, on s’y met ?
Vous rêvez d’un changement radical ?
Téléchargez votre guide ou cliquez sur le photo ci-dessous.
En rejoignant notre tribu, vous recevez des idées pour agir.
Et avant ça, vous recevrez immédiatement vos cadeaux d’accueil.
lalou
Dans janvier 9, 2020 à 3:37Votre article justifie l’intérêt du véganisme par réaction aux modes d’abattage cruels. La pêche et la chasse n’étant pas incriminés, j’en déduis qu’il est tout-à-fait envisageable de consommer des œufs, du poisson et du gibier (tant qu’il n’est pas d’élevage) : cela n’a rien de barbare ! D’ailleurs nos ancêtres étaient chasseurs – cueilleurs avant de se sédentariser.
Et ne me dites pas que manger un œuf c’est cruel : la poule produit si mes souvenirs sont bons entre 250 œufs et 300 œufs par an. La période de ponte démarre avant les beaux-jours (où elle a alors la capacité de couver et que ses petits naissent et vivent dans des conditions climatiques adéquates) et se termine lorsque la durée de jour devient trop faible. Spontanément, elle ne couvera de toute façon pas tous ses œufs.
Par contre, oui l’industrialisation de la production d’œufs est tout aussi barbare que l’abatage (du sexage des poussins et la mise à la poubelle des poussins mâle qui meurent étouffés sous le poids de leurs congénères jusqu’à la taille des cages des poules pondeuses).
Je conçois parfaitement qu’en abattoir, les animaux sentent leur mort et qu’ils soient paniqués. Imaginez qu’on les a chargés parfois brutalement dans des caisses, dans un camion. On les a fait voyager loin de leur tout petit enclos de vie sans qu’ils aient rien demandé (entre humains on appelle ça un enlèvement !) pour les parquer avec des congénères qu’ils ne connaissent pas et dont ils entendent les cris d’effroi. Bref, ça s’apparente autant aux camps de concentration qu’aux maisons de retraite, où j’imagine que nos aïeux qu’on y enferme ne se disent pas qu’ils en ressortiront debout et dans ce cas là, on pourrait dire que les personnels de ces maisons font eux aussi un métier de merde… Bref, c’est l’environnement qui cause le stress de l’abatage.
Souvenons-nous d’un temps où l’on tuait le cochon à la ferme, et on n’en tuait pas tous les jours parce qu’on avait conscience qu’il y en avait peu sur le domaine familial et qu’il fallait du temps pour les produire.
Puis la production a été industrialisée : il faut faire grandir le cochon toujours plus vite, à grands coups d’hormones, et pour des raisons d’hygiène on n’abat plus à la ferme mais dans des abattoirs à la capacité constamment accrue.
Pour autant, la production végétale a été industrialisée de la même manière. Mais là, ce n’est pas visible, il n’y a pas de sang, alors cela ne paraît pas sale. La salade que vous arrachez à la terre ne crie pas, alors ça ne vous touche pas. Pourtant, les effets de l’industrialisation de la production végétale impacte directement les êtres humains : les phytosanitaires utilisés dans les champs provoquent cancers, malformations génétiques, sont toxiques pour la faune aquatique. Vous évoquez le scandale de la vache folle, mais parlons aussi alors des OGM qui sont une catastrophe écologique et sociétale, rendant chaque jour les producteurs plus esclaves des firmes industrielles et notamment phytopharmaceutiques. Lesquelles firmes phytopharmaceutiques vont être doublement gagnantes avec l’avènement du véganisme puisque comme vous le signalez des complémentations sont nécessaires. D’où viennent actuellement les compléments sur le marché si ce n’est des firmes phytosanitaires ? Les mêmes produisent aujourd’hui comble de tout les pesticides et les médicaments anti-cancéreux. Les mêmes qui jouent avec les molécules sans trop se soucier de l’impact sur la vie des gens et vous voudriez qu’on leur confie en plus la production de viande en laboratoire ?
D’ailleurs, pourquoi faudrait-il se complémenter alors que nos ancêtres n’avaient pas de compléments à disposition ? Simplement parce que les variétés cultivées aujourd’hui dans leur grande majorité ont perdu de leur pouvoir nutritif : on ne tient pas seulement à produire plus vite du poulet, mais aussi des radis, des tomates, en toute saison et dont la tenue à la conservation soit la plus longue possible ! Résultat des courses, nos salades aujourd’hui contiennent moins d’éléments minéraux et de vitamines qu’il y a 50 ans.
En ce sens, le veganisme ne me paraît pas être LA solution à la barbarie de l’être humain (au sens où elle ne s’exerce pas seulement contre les animaux mais aussi contres ses semblables, qu’elles qu’en soient les motivations)
Par contre, si vous prônez une alimentation raisonnable en quantité, de saison et au minimum issue de l’agriculture biologique, alors là, c’est un bon début vers moins de violence envers la planète et je vous suis…
Patricia Mignone
Dans janvier 9, 2020 à 3:51Merci d’avoir pris tout ce temps à commenter.
L’agro-biologie n’est pas un sujet que j’abordais ici, non. Ca ne signifie pas que je l’approuve mais je n’avais pas pour objet d’écrire un livre.
En ce qui concerne les poules, ce n’est pas si simple : les poules ne pondent pas plan plan dans leur coin, non. Les espèces de poules ont été manipulées génétiquement (tout comme les vaches) pour donner des races viandeuses ou pondeuses. C’est ce qui explique que l’on tue les poussins mâles au lieu de les élever.
Pour en découvrir de belles sur l’utilité de passer au véganisme et notamment découvrir le monde merveilleux de l’industrie laitière, voici une bonne adresse : https://vegan-pratique.fr/veggie-challenge/
A part ça le veganisme est la réponse adéquate à la destruction de la terre dans son ensemble, je le pense.
(et merci de rester calme et de ne pas me faire de procès d’intention aussi)