Dans le monde de la transition, beaucoup de gens estiment l’argent nocif et dégradant, une opinion qui, au bout du compte, contribue plus à réprimer l’initiative qu’à émanciper la pensée. Et si l’on voyait l’argent comme une solution et non comme un problème ? Comme un vecteur d’émancipation et de créativité et non comme une entrave à une évolution saine et inclusive ?
Le lourd passif de l’argent
Il y aurait certes énormément à dire sur les méfaits, injustices et crimes commis au nom de l’argent. Et chacun d’entre nous porte son poids de réserves héritées d’un passé familial parfois lourd en lien avec l’argent.
Cela dit, que faire de cette inévitable réalité de l’argent dans un contexte comme celui que nous connaissons aujourd’hui, un contexte où des gens comme Cyril Dion n’hésitent pas à voir les prémices d’une guerre mondiale ?
Economie de partage et argent
De nombreuses figures de la transition écologique et sociétale – Cyril Dion, Rob Hopkins, Pablo Servigne, Gauthier Chapelle – nous incitent à édifier ensemble de nouvelles mythologies où le lien retrouve sa place, où l’on réhabilite la collaboration, la mutualisation, l’édification de nouveaux projets et initiatives qui donneront des récits affranchis de l’économie capitaliste et de la mythologie de masse.
Ces dernières nous ont collectivement convaincus de l’idée qu’une vie réussie est une vie où l’on a accumulé les performances et les possessions.
Or, les gens qui ont réussi selon ces critères peuvent témoigner du leurre que représente cette mythologie ; posséder de l’argent et des biens laisse sans réponse la question majeure de l’existence : celle du lien.
Alors que notre époque a permis à la classe moyenne d’accéder à un confort matériel jamais atteint auparavant, le sentiment de solitude pèse dans beaucoup d’existences d’un poids peut-être jamais atteint auparavant.
Et l’argent dans tout cela ?
Argent et transition
Aujourd’hui, de nombreux groupes sont engagés en faveur de la transition écologique et sociétale et pas mal d’entre eux sont constitués en association sans but lucratif.
Souvent, les gens qui composent ces groupes voient l’argent d’un œil noir : ce qui est à l’origine de la dégradation du monde n’aura pas de place dans leur projet.
Dans l’environnement que j’ai construit pour accompagner les femmes dans leur transition, je me suis aussi heurtée à ce genre de réticences : « s’il y a de l’argent derrière, je ne prends pas ».
Aujourd’hui, il est pourtant urgent que l’idée de la transition essaime, que la résilience se construise, que chacun et chacune intègre l’idée qu’à son échelle, il y a quelque chose à faire pour se préparer à l’avenir qui nous attend.
Et il est important que les porteurs de cette dynamique puissent aider un maximum de personnes sensibilisées à se mobiliser.
Or le principe de réalité veut que le temps que l’on consacre à la conception et au développement de ce genre de projet, soit perdu pour cette activité lucrative – notre travail – qui nous permet de payer nos factures et nourrir nos enfants. De l’argent il en faut quelque part. Et estimer ou faire croire qu’il n’y a pas d’argent en jeu quand on reçoit des subventions, c’est un leurre ou une imposture.
Actuellement, dans le contexte où nous vivons – ici et maintenant – on ne peut pas ne pas tenir compte de cette composante du système : si on évacue l’argent, on entrave les projets.
Nous et l’argent, une histoire de représentations
Notre rapport à l’argent est conditionné par les histoires que l‘on se raconte à son sujet, individuellement et collectivement. On peut se passer d’exemples à ce sujet.
Si en revanche, on envisage l’argent non comme un problème mais comme une solution, on constatera qu’il permet de construire un monde meilleur, plus rapidement et efficacement parce que les gens qui en bénéficient pour penser et construire demain peuvent le faire dans la sécurité.
Si on cesse de considérer les gens qui possèdent de l’argent globalement comme des êtres cupides et sans morale, on peut envisager de collaborer avec ceux d’entre eux qui sont mécènes et qui font de leur argent un levier d’action.
Et en effet, l’argent est un levier d’action qui permet
- de payer les personnes qui accompagnent l’évolution,
- de créer des environnements propices à l’appropriation de savoir-faire,
- de financer les campagnes de promotion des initiatives pour permettre à plus de gens de rejoindre les groupes et mouvements,
- de permettre à des gens de se former.
L’argent, un levier pour agir
Dans la vidéo ci-jointe, vous allez découvrir Muriel, une héritière qui, suite à une prise de conscience, a choisi de s’engager dans la transition. Elle y explique comment elle agit pour faire la différence à sa mesure.
Aux sujets d’inspiration qu’elle évoque dans l’interview, Muriel a tenu à ajouter ces suggestions qui permettront à ceux qui possèdent un bas de laine de donner du sens à leur argent car, selon Muriel, le but de l’argent n’est pas de faire plus d’argent mais de créer une autre sorte de richesse : bien-être collectif, régénération des sols et de la biodiversité, alimentation saine pour tous, logement décent pour tous. Bref, de posséder moins de biens et plus de liens …
Voila donc les pistes que Muriel suggère :
• Acheter des parts de coopérateur dans Terres-en-Vue pour favoriser l’accès à la terre aux maraichers et agriculteurs bio
• Acheter ensemble une éolienne citoyenne
• Se faire membre d’une épicerie collaborative
• Encourager ses producteurs locaux en étant membre d’un GASAP
• Encourager la rénovation des bâtiments en les isolant mieux afin qu’ils soient moins énergivores et utiliser le plus possible de matériaux écologiques
• Participer à des crowdfundings citoyens
• Prêter de l’argent sans intérêts à des amis qui ont des projets qui nous touchent et feront avancer la société dans le bon sens
• Favoriser les banques et sociétés de crédit qui favorisent les investissements sociétaux (sociaux et environnementaux) comme Triodos, Crédal
Dernière suggestion de Muriel : si vous avez beaucoup d’argent, ne le confiez surtout pas les yeux fermés à votre banquier car la gestion boursière classique met le feu à notre planète.
Ne soyons pas pyromanes : il y a déjà tellement d’incendies à éteindre !
Découvrez le témoignage de Muriel sur l’argent comme levier de transition.
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Cindy
Dans janvier 3, 2020 à 2:27Cet article est intéressant dans une perspective où l’on voit l’argent, ou plutôt la monnaie, comme un simple moyen d’échange (ce qu’il est en premier lieu) que l’on ne peut pas changer. Un des problèmes actuels est que la monnaie est aussi une valeur spéculative qui est utilisée par certains au détriment du plus grand nombre. Et ce, de part les principes mêmes qui régissent la création monétaire actuellement (on parle de monnaie dette). Or, il se trouve que ces principes sont arbitraires. Choisis par quelques uns. Ils ne sont pas immuables, même si l’on nous a appris à ne pas les questionner et que la plupart croit qu’ils ne le sont pas, questionnables.
C’est pourquoi, au delà du choix d’utiliser son argent pour financer des choses utiles et porteuses de sens pour faire le monde demain (ce qui est un premier pas non négligeable), il me semble aussi et surtout nécessaire de préparer l’évolution de notre rapport à l’argent en transformant l’argent lui-même, la monnaie elle-même. Plus particulièrement en inventant des moyens d’échanges (des monnaies donc) dont les principes de création sont autres, nouveaux et plus respectueux de l’être humain.
C’est, par exemple, le cas avec les monnaies libres basées sur la théorie relative de la monnaie (de Stéphane Laborde) et dont la première incarnation (la June) existe et est utilisée depuis 2017. Au cœur des principes de création de cette monnaie, on ne trouve plus les banques privées, les états ou une quelconque autre ‘autorité’ extérieure mais, simplement, l’être humain. Les règles de création de cette monnaie sont telles qu’il n’y a pas d’intérêt à de spéculer dessus ni aucun sens à vouloir en accumuler au maximum. En quelque sorte, par “construction”, la monnaie libre nous conduit à modifier notre rapport à l’argent. Elle reste un moyen d’échange tout aussi performant que n’importe quel autre monnaie que nous connaissons déjà. Et comme toute monnaie, ce qui fera sa force c’est qu’elle soit utilisée par le plus grand nombre.
Alors, la question devient non seulement “Où je choisis de mettre mon argent (ma monnaie dette)?” mais aussi “Quel argent je choisis d’utiliser et pour quoi?”: quelle monnaie, de par ses règles de création, est, pour moi, la plus au service de mes valeurs?
Et à cet endroit là, tous ceux qui se questionnent sur la transition ou s’y sont engagés ont aussi un pouvoir à exercer.
nadou
Dans janvier 4, 2020 à 12:19Bonsoir
Piste à explorer qui crée la monnaie dette et comment ? Quelles sont les principales fonctions de la monnaie ?
Voici un lien vidéo conférence que jai faite avec mon ami à l’école d’ingénieurs INSEEHT Toulouse
Regardez “Le Dividende Universel : l’unité de mesure économique sous logiciel libre — Matiou, Nadou” sur YouTube
https://youtu.be/Lcqit2qw2Kc
Site créationmonétaire.info
Monnaielibreoccitanie.org
Bien à vous